Un décret pour pérenniser la politique cyclable wallonne est en cours d'adoption au Parlement wallon. Ce décret vise à doter la Wallonie d'un réseau cyclable structurant, d'un plan d'action vélo mis à jour à chaque législature, et d'un financement structurel des communes pour leurs infrastructures "modes actifs".

Un plan "Wallonie cyclable" qui perdurera

Afin de ne pas reproduire les errements du passé (abandon par le gouvernement suivant du premier plan vélo de 2010), le plan "Wallonie cyclable" est désormais inscrit dans les textes légaux.

Les prochains gouvernements devront travailler à un plan d'actions vélo régional en :

  • Évaluant le plan vélo de la législature précédente
  • Actualisant ce plan d'actions dans les 18 mois
  • Faisant un rapport annuel du plan au Parlement

Une obligation de concertation avec les acteurs institutionnels et associatifs concernés par la politique cyclable est aussi insérée dans le décret. C'est une excellente chose.

Un réseau cyclable structurant

Cour des ComptesLa Cour des comptes a constaté depuis longtemps en Wallonie un "manque de lien entre les investissements et les outils de planifications" et préconisé "qu’il serait nécessaire de concentrer l’essentiel des moyens sur des tronçons jugés prioritaires pour disposer d’un réseau sécurisé."

Elle a été entendue : le nouveau décret prévoit l’établissement d’un réseau cyclable wallon structurant composé d’un réseau express (cyclostrades) et d’un réseau supra-local fonctionnel. Contrairement au schéma directeur cyclable de 2010, qui ne prévoyait que des itinéraires vélo sur des routes régionales, on pourra désormais recourir aux voiries les plus adaptées (régionales ou communales) selon ces modalités :

Le réseau cyclable structurant emprunte des voiries déjà pourvues d’aménagements cyclables et d’autres voiries devant encore être aménagées. Il emprunte les voiries ou les emprises les plus adaptées selon plusieurs critères (sécurité, rapidité, confort). Dans l’attente de l’aménagement d’itinéraires définitifs, des itinéraires alternatifs ou des aménagements peut-être moins qualitatifs peuvent être localement mis en place.

Les cyclostrades relient des zones à haut potentiel de déplacements. Les cyclostrades sont potentiellement utilisées de manière intensive et bénéficient d’une infrastructure de grande qualité permettant de se déplacer dans les meilleures conditions de confort, de sécurité et d’efficacité sur des distances moyennes à longues, et sur des aménagements cyclables reconnaissables (identité visuelle).

Les liaisons cyclables fonctionnelles supra-locales constituent un réseau cyclable maillé d’itinéraires reliant des polarités urbaines ou rurales, d’équipements, de commerces, de services ou d’intermodalité.

Le réseau cyclable structurant est complété localement par des liaisons cyclables de desserte locale offrant une desserte cyclable fine du territoire. Elles relient des polarités de niveau local à des polarités de niveau supérieur, aux liaisons structurantes supra-locales ou aux cyclostrades.

On notera que cette hiérarchie est clairement inspirée de la Flandre avec ses fietsnelwegen (cyclostrades) et son bovenlokaal functioneel fietsroutenetwerk (liaisons supra-locales).

On se réjouit aussi particulièrement de la concertation organisée autour du nouveau réseau :

La définition du réseau cyclable structurant wallon est menée en collaboration avec les acteurs locaux et en particulier les communes et les usagers cyclistes utilitaires. Les acteurs locaux sont les communes mais également le cas échant les provinces, les intercommunales, les Groupes d’Actions Locaux (GAL), etc.

Un autre grand progrès amené par ce décret est de permettre à un gestionnaire de voirie d'intervenir sur des voiries qui ne sont pas les siennes. Jusqu'à présent en effet, seule la Région pouvait faire des aménagements sur les voiries régionales (ex-nationales) et les communes sur leur propre réseau. Désormais ce ne sera plus une exclusivité :

Les gestionnaires d’une voirie peuvent déléguer à une personne morale de droit public le soin de mener des études, d’attribuer un marché de services ou de travaux ou d’investir sur ce domaine ou cette voirie, par voie de conventions.

Quant aux modalités de financement des aménagements cyclables qualitatifs sur le réseau cyclable structurant wallon, elles sont précisées comme suit :

Le Gouvernement peut déterminer des modalités de financement des aménagements cyclables qualitatifs sur le réseau cyclable structurant et les liaisons de dessertes locales.

Les investissements liés à la mise en oeuvre de cyclostrades sont définis par le Gouvernement. La Région prend en charge l’entretien ou le financement de l’entretien des cyclostrades, selon des modalités à définir.

Par défaut c'est le gestionnaire de la voirie qui entretient le réseau cyclable structurant wallon. Par dérogation, le Gouvernement peut arrêter des modalités d’entretien de ce réseau par voie de conventions d’entretien.

Un financement structurel des communes

Les communes wallonnes ont peu de fonds propres, il est donc important de les soutenir structurellement pour leurs infrastructures "modes actifs". Les communes sont déjà aidées par la Région pour leurs voiries par des Plans d'investissements communaux (PIC) triennaux.

Ce mécanisme, plus connu sous le nom de droits de tirage, a été étendu en 2022 aux modes actifs (piétons, vélos, intermodalité = PiMaCi). Ces nouveaux droits seront désormais récurrent. Tous les trois ans les communes disposeront donc, selon leur taille, de fonds pour le développement d’aménagements favorisant la mobilité active, selon ces principes :

L’objectif du droit de tirage est de soutenir, conformément au principe STOP, le développement d’aménagements favorisant la mobilité durable, la mobilité active utilitaire et l’intermodalité dans les communes.

Le plan d’investissement triennal est concerté avec les usagers mais également les différentes parties impactées par l’aménagement d’un itinéraire, en fonction des spécificités de chaque commune, notamment pour ce qui concerne les activités portuaires ou agricoles.

Le Gouvernement vérifie notamment le respect du cahier des charges type Qualiroute mais également les éléments de la Sécurothèque.

Aucune enveloppe n'a été fixée par le décret, mais le GRACQ espère de tout coeur que les montants actuellement sur la table (70 millions € par an, dont 35 millions € rien que pour le vélo), seront reconduits par les prochains exécutifs. Et que les équilibres internes entre aménagements piétons/vélos/intermodalité seront conservés.

Luc Goffinet

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