La Cour des comptes s'est penchée sur 20 ans de politique de "soutien aux déplacements à vélo" en Wallonie et en livre une analyse très critique. L'absence de planification d'un vrai réseau vélo, de cadre décretal, de données sur les déplacements à vélo, en plus d'un focus disproportionné sur le RAVeL et de subsides éparpillés sur les communes sans efficacité garantie, sont autant d'errements à corriger au plus vite.

Cour des comptes rapport vélo 2022 (couverture)

Le constat porté par la Cour est sévère mais partagé depuis longtemps par le GRACQ. Contrairement aux deux autres régions du pays, la Wallonie n'a jamais dessiné de réseau cyclable supra-local. Pire, pendant longtemps le RAVeL a été l'unique référence en matière de "colonne vertébrale" des déplacements à vélo. Or on sait pourtant qu'une grande partie de ce réseau ne dessert que des zones rurales peu peuplées et n'a, à certains endroits, qu'un intérêt touristique/de loisirs.

Un "schéma directeur cyclable" a bien été élaboré en 2012, mais il ne portait que sur des routes régionales, en excluant les voiries communales (90% du réseau viaire wallon). De plus, celui-ci n'a jamais été complété par un programme d'investissement. Fort heureusement la Région planche en ce moment sur un réseau cyclable utilitaire. Mais que d'années perdues...

D'un autre côté, hormis quelques communes qui font des comptages réguliers et d'autres menés sur le RAVeL, aucun observatoire du vélo ne permet actuellement de mesurer les progrès (ou pas) de la Wallonie en matière de déplacements à vélo. C'est pourtant un outil indispensable pour mesurer l'efficacité d'une politique vélo, surtout au regard de l'objectif wallon de 5% de déplacements à vélo en 2030 (vision FAST). Pour pallier à cela, la Région vient de lancer le projet d'un "observatoire des modes actifs".

Enfin, la Wallonie est aussi la seule des trois régions à ne pas ancrer sa politique vélo dans des textes légaux, se basant presque uniquement sur des circulaires ministérielles (en partie inappliquées !). Ce qui amène la Cour des comptes à considérer, à juste titre, que "la politique cyclable actuelle reste soumise à un risque élevé de non-concrétisation ou d’abandon". Nous espérons donc qu'un décret vienne rapidement soutenir le nouveau "Plan Wallonie cyclable 2030", avec une trajectoire budgétaire et des outils qui ne puissent pas être détricotés par les futurs exécutifs wallons.

Au rang de ceux-ci figure d'ailleurs une mesure essentielle : le financement conséquent des infrastructures cyclables communales, avec un contrôle de l'argent dépensé pour éviter les errements du passé (argent du vélo consacré à refaire des voiries, saupoudrage électoraliste, dilution des moyens, projets ayant peu d'intérêt pour les déplacements à vélo, etc). Le tout couplé à une consultation indispensable des usagers, qui est loin de percoler dans la plupart des cultures politiques communales.

Des pistes vitales à concrétiser pour l'avenir

Voici les recommandations essentielles formulées par la Cour des comptes :

  • Intégrer les différents réseaux (RAVeL, routes régionales et voiries communales) lors de la planification des investissements et définir les tronçons stratégiques clés devant être aménagés indépendamment du gestionnaire de la voirie concernée ;
  • Mettre en place un système centralisé, pérenne et fiable de collecte des informations et veiller au respect, par les communes, de leurs obligations relatives à la récolte des données pour évaluer l’efficacité des aménagements subsidiés et suivre l’évolution de la part modale du vélo, en vue d’atteindre les objectifs de la vision FAST 2030 ;
  • Élargir le champ des outils de politiques publiques, en s’inspirant des bonnes pratiques développées par d’autres régions ou pays ;
  • Concentrer l’essentiel des moyens sur des tronçons jugés prioritaires, suivant les critères de la stratégie régionale de mobilité afin d’atteindre un niveau prédéfini de sécurité et de cyclabilité sur ces tronçons ;
  • Définir, structurer et pérenniser la stratégie cyclable dans un décret, dans le cadre plus global de la politique de la mobilité et de la sécurité routière en Wallonie.

Le GRACQ souhaite vivement que ces recommandations soient prises en compte au plus vite. Il en va de l'efficacité des politiques vélos régionales et communales en Wallonie.

Luc Goffinet

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