Un projet européen d'indicateurs de performance en sécurité routière ne retient pour les cyclistes que le taux de port du casque. S'il peut être pertinent de le mesurer, cet indicateur ne constitue en aucun cas un indicateur majeur de la sécurité routière à vélo. Bien d'autres sont plus pertinents, comme le nombre de kilomètres d'infrastructures cyclables protégées, de zones à vitesses réduites ou à trafic modéré, etc.

Baseline map partnersL'objectif du projet européen Baseline est d'alimenter 8 Indicateurs clés de performance (ICP) en matière de sécurité routière, et ceci dans un maximum d'États membres de l'Union. Ces ICP, standardisés, ont pour but de permettre la comparaison de données de sécurité entre pays européens.

Dans chacun des pays participant à Baseline, un organisme (VIAS pour la Belgique) s'est engagé à fournir des mesures nationales pour le plus grand nombre possible d'ICP, conformément à une méthodologie européenne.

Les huit Indicateurs clés de performance du projet BASELINE
Vitesse% de véhicules circulant dans les limites de la vitesse autorisée
Ceinture de sécurité% d'occupants de véhicules utilisant correctement la ceinture de sécurité ou le système de retenue pour enfants
Équipement de protection% de conducteurs de deux-roues motorisés et de bicyclettes portant un casque de protection
Alcool% de conducteurs conduisant dans les limites légales d'alcoolémie
Distraction% de conducteurs n'utilisant PAS d'appareil mobile portable
Sécurité du véhicule% de voitures particulières neuves dont la cote de sécurité Euro NCAP est égale ou supérieure à un seuil prédéfini
Infrastructure% de kilomètres parcourus sur des routes dont le niveau de sécurité est supérieur à un seuil convenu
Rapidité des soinsTemps écoulé entre l'appel d'urgence à la suite d'une collision entraînant des dommages corporels et l'arrivée des services d'urgence sur les lieux

Si certains indicateurs semblent pertinents, d'autres posent question. Ainsi les vitesses observées sont jugées à l'aune des limites nationales/régionales, et pas par rapport à leur dangerosité intrinsèque. De même, le score de sécurité Euro NCAP s'applique surtout aux occupants de ces véhicules et, modestement, à celui des usagers vulnérables croisés. Quant au temps d'arrivée de l'ambulance, c'est quand l'accident est déjà survenu...

Une mesure de la sécurité à vélo très controversée

Pour les deux-roues, le seul "indicateur de performance" retenu est le taux de port du casque (observé). VIAS, comme onze de ses collègues européens, a donc effectué des mesures pour la Belgique (6700 cyclistes). Voici la synthèse des résultats pour cet indicateur dans 12 pays :

Baseline - Port du casque en Europe

On observe donc un faible taux de port du casque en Belgique, sauf pour les passagers du vélo (souvent des enfants). Les pays pour lesquels on observe des taux plus élevés dans le tableau ci-dessus sont surtout ceux qui ont opté pour une obligation légale (partielle ou totale) du casque. On peut rapidement constater que ce ne sont pas ceux qui comptent le plus de déplacements à vélo. Malte y est même signalée pour un "échantillon faible". Le port du casque ne semble donc pas être un élément dopant de la pratique, quelles que soient ses qualités indéniables pour diminuer les lésions en cas de choc.

Une autre question surgit aussi assez vite : est-ce qu'un taux élevé de cyclistes casqués est synonyme d'une meilleure sécurité routière globalement ? Comme on peut le voir dans cet autre comparatif international de la sécurité routière à vélo, ce n'est pas vraiment le cas. Les Pays-Bas, où seulement 13% des cyclistes déclarent porter un casque2, sont pourtant un des pays les plus sûrs au monde pour la pratique du vélo. Contrairement aux pays anglo-saxons, de bien piètres élèves, où le port du casque est très répandu :

Statistiques morts par millions km parcourus

Le taux de port du casque peut donc être tout autant un indicateur du niveau d'insécurité routière d'un pays. Un meilleur indicateur majeur de la sécurité routière à vélo serait bien davantage la pratique du vélo1 (sécurité par le nombre), ou le nombre de kilomètres d'infrastructures cyclables protégées, de zones à vitesses réduites (30, 20) ou à trafic modéré. Ce n'est hélas pas ce que VIAS et ses homologues étrangers ont creusé, malgré cette remarque trouvée dans le rapport de BASELINE :

Il convient de souligner qu'une image plus claire du niveau de sécurité des pays en termes de cyclistes tués pourrait être donnée par l'utilisation d'indicateurs d'exposition, car dans la plupart des pays, les taux de mortalité sont également associés aux taux d'utilisation du vélo (par exemple, environ 74% des Néerlandais font du vélo au moins une fois par mois).

VIAS reconnait aussi, dans son rapport séparé sur le casque et la chasuble en Belgique, que :

Par ailleurs, si le port d’un casque à vélo est une mesure efficace pour prévenir les blessures à la tête et si le port d’une veste fluorescente augmente la visibilité des cyclistes, le risque de blessure est, quant à lui, le dernier maillon d’une chaîne qui commence avec le risque d’accident dès que le cycliste prend part à la circulation. Dès lors, la prévention du risque d’accident devrait être appréhendée par de multiples mesures visant à réduire le risque de chute et donc, le risque de blessure.

De son côté l'Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR) avait aussi observé le port du casque (et de la chasuble) en Wallonie en 2019 et concluait dans le même sens :

Toutefois, le port du casque n'est pas une fin en soi car il ne permet pas de d’éviter la survenue d’un accident mais uniquement d’en diminuer les conséquences. Aussi, il reste essentiel de poursuivre les recherches sur la genèse des accidents impliquant des vélos et sur la gestion des obstacles que pourraient rencontrer les cyclistes en cas de chute (infrastructures et bas-côtés sécurisés).

Sans nier l'intérêt du casque, celui-ci n'a qu'un impact limité sur la sécurité à vélo. Certains en font malheureusement un point central du débat public, qui détourne l'attention des autres facteurs essentiels (vitesse, alcool, distraction, distances de dépassement, qualité des revêtements, obstacles, trafic élevé, angles morts...). Nous le regrettons.

Luc Goffinet

1 : Marshall, Wesley E., and Nicholas N. Ferenchak. "Why cities with high bicycling rates are safer for all road users." Journal of Transport & Health (2019)
2. E-Survey of Road Users’ Attitudes (ESRA 3)

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