Comment rendre nos rues vivantes à nouveau ? Le bureau d'étude hollandais Mobycon s'appuie sur deux idées pour proposer des solutions durables à ses clients : la classification des véhicules en six familles, et la théorie du "donut de la mobilité"

Basé à Delft, où la part modale du vélo dépasse les 30%1, Mobycon est un bureau d’étude et de conseil indépendant travaillant aux Pays-Bas et à l’international. Il œuvre pour le développement de sociétés moins dépendantes de la voiture. Selon son fondateur Johan Diepens, pour permettre aux gens d'intégrer un style de vie sain dans leur vie quotidienne, l’entièreté du système de mobilité doit être en mesure d'offrir un droit au transport pour tous.

Six familles de mobilité

familles_vehicules_-  mobycon

Afin de pouvoir proposer des solutions de mobilité les plus inclusives possibles, Mobycon a développé une classification des véhicules en six familles : piétons, rideables (vélo, trottinette, skateboard...), légers motorisés, type-voiture, type-camion et type-trams. À chacune des quatre premières familles (dominantes dans l’espace public), Mobycon fait correspondre une vitesse maximale qu’un environnement urbain peut autoriser. Les piétons feront maximum 10km/h, les rideables 20, les légers motorisés 30, les type-voiture 50. 

C’est ensuite l’activité de l’espace urbain concerné qui définira la limitation de vitesse. Une zone dense et commerciale sera limitée à 10km/h tandis qu’un axe routier principal sera limité à 50km/h. Lorsque cette limite est définie, il suffit de regarder sur le tableau des familles de véhicules ceux pour qui l’infrastructure sera conçue et ceux qui seront soit déviés sur d’autres axes, soit admis en mixité partagée, en tant qu’invités.

familles_vehicules - Mobycon

La théorie du Donut : pour une mobilité épanouie

donut de la mobilité - copyright Mobycon

Autre approche intéressante de Mobycon : adapter la théorie économique du Donut de Kate Raworth2 aux problématiques de mobilité. "Depuis des décennies, nous nous déplaçons environ 70 à 90 minutes par jour en moyenne, quel que soit le niveau de revenu ou le mode de transport utilisé. Le développement des infrastructures de transport ne fait donc pas gagner du temps, mais permet de se déplacer plus loin. […] Nous parcourons des distances toujours plus grandes parce que l’asphalte s’étend loin devant nous". Il convient donc d’apporter un regard sur la mobilité plus soutenable et sortir d’une logique de croissance permanente.

Parmi les constats posés, celui d’une mobilité excessive. Elle s’observe dans nos sociétés qui déploient beaucoup d’énergie, de temps et d’argent pour étendre les possibilités de ceux qui sont déjà sur la route. C’est ainsi que les pouvoirs publics choisissent par exemple de privilégier l’élargissement d’une autoroute plutôt que de financer une ligne de "bus de service" reliant les établissements de santé, les résidences séniors et quelques commerces. Le fossé se creuse alors entre ces personnes bénéficiant d'une mobilité excessive et d'autres qui souffrent au contraire d'un manque de mobilité. Cette approche atteint ses limites en termes d’espace disponible, mais aussi en termes de conservation de notre environnement et de protection de notre santé.

À cette mobilité excessive, Mobycon oppose un concept plus inclusif et plus durable. L’expérience des transports ne peut pas se limiter pas à un déplacement de A à B. Plutôt que de se déplacer toujours plus vite et toujours plus loin, il est préférable de chercher à se déplacer mieux. Nous devons pour cela viser une mobilité épanouie, c’est à dire la jouissance de l’expérience du déplacement par chacun, indépendamment de l’investissement économique le plus efficace. Mobycon évoque à ce sujet les sensations agréables que peuvent procurer un déplacement, tout véhicule confondu. Cette mobilité épanouie est "liée à des aspects culturels, sociaux et économiques et contribue au bien-être des personnes lorsqu’elles se déplacent".

Comme pour la théorie du donut de Kate Raworth, Mobycon tente de concentrer son énergie sur l’intérieur du donut — c’est-à-dire sur les personnes qui sont le moins mobiles — afin de les accompagner et de résoudre le déséquilibre. La partie extérieure du donut doit quant à elle être contrôlée pour ne pas mener à des excès néfastes pour nos sociétés en termes d'environnement et de santé publique. L’attention est donc mise sur les personnes plutôt que sur les lieux et les modes de transports, dans le but  de rendre les rues vivantes à nouveau.

Gaël De Meyere

Sources et référence :
1 Pourquoi tant de cyclistes aux Pays-Bas ?, F. Héran, in Transports urbains 2015/1 (N°126)
2Théorie du donut expliquée par Kate Raworth
2 Théorie du donut : Wikipédia
- "A New Frame for Mobility in the City - A Kinetic Approach, "Johan Diepens, Conférence vélo-City, Ljubljana 16/062022 (partie "six familles de mobilité")
https://mobycon.fr (partie "La théorie du donut : pour une mobilité épanouie")

19250 personnes soutiennent déjà le mouvement cycliste

Je soutiens le GRACQ